La rue vue par la rue


Quand des SDF twittent leur quotidien

mercredi 16 octobre 2013

Ryan @usher226



« La seule chose que j’aimerai c’est revoir mes enfants, les avoir auprès de moi et avoir une famille heureuse. » »



« Bonjour,

Moi c’est Ryan, j’ai 24 ans. Jamais je n’aurais imaginé me retrouver un jour dans une telle situation. Avant pour moi la France c’était juste un pays de tourisme. Je venais en famille avec ma mère et mes petites sœurs. Chine, Afrique du Sud, France, Cameroun, Sénégal, Italie, Espagne, Allemagne, j’ai beaucoup voyagé. Mon père était commerçant et je vivais très bien chez moi en RDC (République Démocratique du Congo, ndlr).

Seulement il a eu le tord de soutenir un opposant politique, notamment à travers une association de droits de l’homme dont le responsable a d’ailleurs été tué. Un jour, la veille d’une journée de marche à laquelle nous devions participer contre les arrestations arbitraires, une quinzaine de militaires armés sont venus à la maison. Ils ont fouillé la parcelle et sont tombés dans ma chambre sur les pancartes qu’on avait préparées pour le lendemain. Ils nous ont arrêtés mon père et moi et emmenés séparément. C’est la dernière fois que j’ai vu mon père.

J’ai fait 15 jours de prison où j’ai été violé par les gardiens, passé à l’interrogatoire, ligoté et suspendu au plafond, fouetté même pour me soutirer des aveux sur mon père. J’étais perdu, je ne comprenais rien à ce qui se passait. Ça a été très difficile.

C’est à la faveur d’un transfert de prison qu’on m’a fait m’enfuir. Sans que je sois au courant de quoi que ce soit. Des personnes de l’extérieur avaient réussi à retrouver ma trace et à acheter la complicité de certains gardiens. On m’a fait me cacher 1 ou 2 mois à Kinshasa et puis un beau jour on m’a annoncé que je devais quitter le pays. Pour où ? Je n’en savais rien. On m’a juste mis dans un avion pour Paris avec des papiers qui n’étaient pas les miens. Et on m’a dit de suivre un Monsieur qui m’attendrait à l’aéroport en France.

Ce que j’ai fait sans poser de questions. Je l’ai accompagné à Gare de l’Est. Il a pris 2 billets pour Metz. Une fois sur place, il m’a dit de l’attendre, qu’il avait une petite course à faire. Je ne l’ai jamais revu. Je me suis retrouvé là, sans papier, sans personnes à qui m’adresser, là dehors dans une ville inconnue, en France, avec juste mon sac. Et j’ai passé ma première nuit dehors…

Heureusement que j’avais gardé dans une des poches de mon pantalon mon permis de conduire congolais. Ça m’a donné une petite preuve de ma nationalité quand j’ai commencé à faire les démarches d’asile et de papiers. C’est vraiment compliqué en France. Pour ce qui est de savoir où dormir c’est une angoisse permanente et une bataille de tous les jours pour moi, notamment avec le 115. J’appelle comme je peux à 10h, 20h30, 23h00, minuit pour essayer chaque jour d’avoir une place.

Sans la Boutique Solidarité (de Metz, ndlr) j’aurais craqué depuis longtemps. Je n’ai aucune nouvelle de ma famille. Ni de mon père, ni de mes enfants. Personne ne sait là bas où je suis. Je n’ai pas encore pu téléphoner au pays parce que ça coûte cher et que je n’ai pas d’argent.

Ce qui me fait tenir c’est ma foi. Je suis chrétien et je garde la foi que les choses peuvent changer. Moi la seule chose que j’aimerai c’est revoir mes enfants, les avoir auprès de moi et avoir une famille heureuse. »

Ryan.


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