La rue vue par la rue


Quand des SDF twittent leur quotidien

lundi 18 novembre 2013

"J’ai tellement mal mais je n’arrive pas à pleurer la mort de ma mère"


Manu @115toimeme a perdu sa mère la semaine dernière. Trop affecté pour continuer à twitter, il a souhaité que nous l’aidions à témoigner de sa douleur. Il a tenu à nous livrer ces mots qu’il n’arrivait pas, lui, à écrire. Un entretien très poignant. Tête plongée dans ses mains, il se demande s’il est toujours humain car il reste incapable de verser la moindre larme alors qu’il est rongé par la peine.

«  J’aimerais pleurer mais je n’y arrive pas. Je n’ai plus de larmes, elles ne coulent plus.  Pourtant Dieu sait que je souffre au fond de moi. Pleurer libère, moi je ne peux rien évacuer. Je me demande si je suis humain. Mon cœur est tellement endurci. Je ne transmets aucune émotion à l’extérieur alors que ça m’aiderait de le faire. J’ai l’impression que tout brûle à l’intérieur. J’essaie d’être fort mais ça n’est pas facile.

J’ai perdu les 3 femmes que j’aimais dans ma vie : ma compagne et ma fille pendant la guerre et maintenant ma mère. Ça fait trop ! J’aurais aimé mourir au combat que de vivre ça. Cette souffrance au quotidien, sans famille, sans rien. Ça n’a plus de sens. Dans la vie on se bât normalement pour mettre sa mère, sa femme et ses enfants à l’abri. Je n’ai plus rien de tout ça. Là je suis vide, je ne pense à rien, je ne crois plus en rien. Je dors très peu, je n’ai rien pu avaler depuis hier (dimanche, ndlr).

Je suis traversé par plein de sentiments, comme la tristesse et la douleur mais le plus fort reste la colère. Là je m’isole pour mettre les autres à l’abris de moi. Un ami a un sac de frappe chez lui, alors je boxe, c’est la seule chose que j’ai trouvée pour évacuer un peu (Manu a longtemps pratiqué les sports de combat, ndlr)

Ce qui me fait le plus mal est que je ne sois pas là, à côté du reste de ma famille pour les soutenir dans la peine. Je suis l’aîné des garçons, donc l’homme de la famille après mon père. J’ai des devoirs. J’ai l’impression d’avoir trahi les miens et ma mère. On s’était promis de tenir mutuellement le coup jusqu’à mon retour, mais je ne la reverrais plus. La dernière fois que je l’ai vu c’était juste avant mon départ précipité.

Quelques amis m’ont dépanné un peu d’argent pour recharger mon téléphone (avec des cartes prépayées) pour que je gère certaines choses à distance, mais c’est pas forcément évident et puis je ne peux assumer aucune charge financière quant aux obsèques qui sont très lourdes dans mon pays. Je devrais être là pour gérer  l’enterrement. Là c’est mon petit frère qui doit tout gérer et ça me fait mal pour lui. J’ai le devoir de remonter le moral à tout le monde, alors je me dois de rester fort.

C’est dur mais ça va aller, même si ça va mettre un peu de temps. Passé le deuil j’aviserai. Juste à dire que mon silence en ligne n’est pas un oubli. Merci à tous les messages de soutien et d’encouragement, je les lis mais si je ne réponds pas c’est parce que je n’en ai pas la force."

Manu

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